NEPHREN-KA
REVENGE AND SUPREMACY (EP)
2010, Auto-Production / Great Dane Records (FRA)




HeadCrush : 16/20
Nephren-Ka nous propose avec ce Revenge and Supremacy 6 titres pour un peu plus de 26 minutes de musique plus intelligente que brutale, leur Metal va surprendre plus d’un auditeur à la condition expresse que celui-ci ouvre aussi grand ses oreilles que sa gueule à l’heure de l’apéro.

Avec cette première publication, ils avaient beaucoup à prouver. Si certains d’entre vous s’attendent à ce que je fasse la liste des influences plus ou moins palpables qu’ils arrêtent leur lecture à ce stade. Les influences m’importent moins que ce qu’ils en ont fait et ce qu’ils en ont fait leur confèrent un truc assez rare : une identité propre.

Ce MCD va sans doute attirer une frange de Fans qui si ils auront pour point commun le coté Death se recouperont ensuite en fonction de l’adjectif qu’ils mettront devant ce Death car entre nous, il y a de tout avec ces 6 titres, du Brutal, du Progressif, du Mélodique en fait il y a au delà de tous ces qualificatifs une vision, un projet, une musique aboutie.

Une mention spéciale pour le son : bien qu’auto-produit avec les moyens et outils du bord, on prend une claque, en fait non, on prend un pain dans la gueule. La batterie a été enregistrée à part, et ils ont bien fait car le talent et le jeu du batteur font que ce disque plane très haut.
Le reste est bon, guitares, voix, et encore une différence, la basse et son bassiste, son jeu en doublon de certaines parties de batteries à la limite de l’effet de résonnance* donnent une épaisseur aux titre proprement inédite à ce stade d’inexpérience.

Fin de l’intro, tout est là alors, j’ouvre le feu.

Avec si peu de titres, il faut aller à l'essentiel ce que fait Lord of Treason qui s'avère être un déchainement de fureur de bout en bout/ Les Nephren-Ka se revendiquant d'obédience Brutal Death, ce titre à tout de la carte de visite. Dès la première note le chant de Laurent nous explose les tympans sur fond de rythmique assez classique, chant grave avec son lot de growls mais c’est aussi derrière que cela se passe, les musiciens sont de tout premier ordre et cela fait toute la différence.
Les rythmiques sont exécutées de main de maître et d’emblée, un instrument s’élève, il va d’ailleurs planer plus haut que les autres sur tout le MCD : la batterie. Si cela ne tenait qu'au son, je ne la mettrais pas en avant mais le batteur est, en un mot comme en cent, excellent.

Ce groupe va s'avérer être bien plus complexe que ne laisserait imaginer un survol des quelques titres en écoute libre. Alors le second titre semble reprendre la suite du premier, il n’en est rien. Véritable « mille feuilles », les breaks multiples que l’échappé de l’asile local martèle sur ses tambour de guerre, ceux des guitares à la limite mélodiques créent une première cassure, la furie reprend le dessus et un second break de guitare repart dans une autre direction. Le soli loin du sempiternel « aller-retour à 180 à la noire » sort définitivement des sentiers battus, bien que technique il démontre une envie de pousser les choses plus loin.

Ce titre met en place le Nephren-Ka complexe, subtil et bien moins bourrin qu’il n’y paraît à première vue.

Alors que nous atteignons l'exact milieu de ce MCD, l'aspect complexe et technique de leur musique va monter d'un cran avec Centerpiece of the Universe. Les guitares sont à l'honneur, leur jeu s’entremêlant avec le chant grave / hurlé du chanteur. Il faudra plusieurs écoutes pour vraiment capter l'essence d'un tel titre, l'empilage des instruments se découvre peu à peu, tout comme les différentes couches chant/ basse / batterie écoutez la, cette basse qui fusionne avec la batterie venant alourdir le son alors que les guitares deviennent légères, tranchantes. Ce titre est plus que le centre de cet album, il en est le pivot.
Une transition, sorte de prélude bruitiste va nous emmener vers l’autre morceau de bravoure de ce MCD.

Après un titre aussi complexe, je pense que le groupe à du vouloir revenir à quelque chose de plus direct, de moins... cérébral. Avec leur quatrième titre, nous sommes de retour dans un univers Black / Death Metal pur jus. Montées épiques, cris, growls solis de guitare aussi courts qu’efficaces, batterie rouleau compresseur.
Pourtant là encore, comme si au fond ils ne pouvaient pas ne pas être différents, au milieu de ce maelström, c’est la mélodie qui tout au long de ce titre faire la différence, une trame mélodique zébrée par des éclairs de guitare (sweepings secs et fulgurants), breaks et chœurs soutenus. Sans doute le titre le plus technique, monstrueux d’efficacité.

Un peu à la façon d'une montagne russe, les Sorciers Noirs (traduction de Nephren-Ka) accélèrent alors que l'on pensait que le tour était fini, Gom Jabber’s Trial va s'avérer être le titre le plus exigeant complexe et technique. Le jeu proprement inhumain du batteur fait encore la différence ce mec vient d’une autre planète, comme le bassiste qui sur ce titre aux nombreux breaks / accélérations laisse éclater son talent au grand jour.
Gom… est un morceau de bravoure, je rêve de les voir chanter ce titre sur scène, parce qu’à n’en pas douter si les autres titres tiendront le cap celui-ci ne laissera personne s’en sortir indemne.

Afin de boucler la boucle, je pense qu'ils ont du se dire que cela devait être intense. Si il en est parmi vous lecteurs, qui ne savent pas ce qu’est le Brutal Death ce dernier titre titre ( Revenge and Supremacy) apporte une réponse claire.
Si vous deviez n’en écouter qu’un, c’est celui là qu’il vous faut putain quel talent.
Que ce soit le chant, les chœurs, leur immense batteur les deux gratteux ou encore, le bassiste tous sont au service de ce dernier titre, ils le poussent vers des sommets une tuerie totale, un des trucs les plus efficaces que j’ai entendu depuis…trop longtemps.

Ce MCD ne recèle de mon point de vue, aucune faille, même son artwork est ultra léché du coup, il fait mal, très mal.

Respect.

HeadCrush

* Pour faire simple, l’effet de résonnance consiste un peu comme pour à un compresseur, à doubler certaines fréquences en les superposant, d’ou une puissance et une épaisseur accrue.

Si vous voulez en savoir plus sur les textes, Nephren-Ka s’est exprimé sur le sujet dans l’interview qu’il m’ont accordé.

2010-09-02 00:00:00


eulmatt : 14/20
En Auvergne, un volcan s’éteint, un groupe de death metal s’éveille. Bon d’accord, la vanne est un peu foireuse, surtout quand on connaît la faible proportion de buveurs d’eau qui vont lire ces lignes.
Ceci dit, comme son nom ne l’indique pas, Nephren-Ka est bien arverne pur jus. Et comme son nom ne l’indique plus, ce jeune combo a désormais complètement abandonné le chemin des catacombes de son modèle Nile, dont l’influence thématique planait encore sur sa première démo sortie en 2008.

Pour ceux qui avaient jeté une oreille sur cette dernière (où simplement sur les quelques morceaux présents sur le MySpace il n’y a pas si longtemps), la première écoute de Revenge and Supremacy a de quoi bluffer. Ce premier EP a pourtant le marketing alléchant avec une pochette au graphisme très pro et au packaging soigné. Mais c’est bien le contenu qui laisse très vite pantois, devant les progrès abyssaux réalisés par Nephren-Ka en l’espace d’à peine deux ans.
Ces progrès sont en premier lieu d'ordre technique. En choisissant la voie du death metal à tendance plutôt brutale, il est vrai que le groupe s’était déjà imposé une contrainte supplémentaire intrinsèque à ce style: la nécessité de disposer d’une technique instrumentale de haut niveau. C’est désormais chose faite – on n’ose imaginer le travail qu’il y a derrière – mais en jeunes deathsters passionnés et connaisseurs, les membres de Nephren-Ka sont visiblement bien conscients de la rigueur et du travail qui se trouvent derrière la réussite des plus grands. On retrouve donc un couple basse / batterie de gros calibre, avec notamment un batteur au fort potentiel qui a gagné en précision et en rigueur métronome, deux gratteux très solides qui ne cherchent pas à en faire trop mais qui montrent déjà un bagage très complet, et le vieux growler bien connu de feu Dislocation, disciple de Corpsegrinder s’il en est, et dont la présence musicale reste toujours aussi vivace malgré son grand âge (héhé).

Musicalement, Nephren-Ka est vraiment un enfant du death metal des années 2000. Le groupe revendique de nombreuses influences, et à l’écoute du disque il est vrai que certaines de ces influences sont assez nettes. Ici du Zyklon, là du Origin, et assez souvent je trouve (même si c’est assez subjectif) l’ombre de Hate Eternal... ceci dit, là encore je mets ces influences sur le compte d’une « bonne éducation » des membres de Nephren-Ka, qui ont visiblement grandi en écoutant ce qui se fait de mieux... il ne faut donc pas lire dans mon propos une connotation péjorative. Revenge and Supremacy fait dans un death technico-brutal assez personnel, et certainement pas dans le plagiat.
Rentrons donc dans le cœur de ce qui nous intéresse, le contenu musical proprement dit. L’EP comprend 6 morceaux de chacun 4 à 5 minutes d’un death metal intense, brutal sans faire dans le mitraillage ininterrompu (on parlera plutôt de salves...), technique tout en restant suffisamment sobre pour éviter de tomber dans les travers du genre. En fait, malgré l’évidente transformation du groupe depuis sa première démo, on retrouve quand même son trait de personnalité le plus net: le goût pour du tempo saccadé et le refus catégorique de toute linéarité. Autrement dit, pour faire plus simple, Nephren-Ka aime à casser le rythme et ne laisse jamais l’auditeur s’installer dans le confort, assurant un bombardement en règle en variant toutes les techniques de frappe possibles. Cela oblige ce dernier à un certain effort sous peine de sortir de cette atmosphère exigeante, mais pour peu qu’on veuille bien mettre un peu de bonne volonté, la récompense est à la clé.

Exemple: le redoutable Centerpiece of The Universe, avec sa thématique très morbidangelienne en thème central, tout en pesanteur, dont la puissance est mise en valeur par les breaks et autres brutalités incessantes, pour former un tout d’apparence hétérogène mais finalement très bien pensé. Et s’il faut garder de l’impartialité et reconnaître que ces constructions rythmiques «cassantes» ne sont pas systématiquement justifiées, on doit par la même occasion souligner l’ambition des Auvergnats, qui évitent de s’enfermer dans des schémas classiques et assument une certaine ambition. Celle-ci s’avère particulièrement payante quand la cohérence de l’atmosphère est au rendez-vous: je pense en priorité à The Dazzling Revenge, Final Stage to Godhood et Revenge and Supremacy, où la puissance est parfaitement canalisée pour donner sa pleine mesure à des morceaux particulièrement incisifs et prenants, avec ce qu'il faut de compacité et de liant. Le rendu est alors assez meurtrier, entre la vélocité du couple rythmique, l'agressivité des guitares et le déferlement de vocaux à un débit monstrueux, histoire de tenir le rythme effréné.
Le pendant négatif se retrouve justement dans d’autres morceaux - ou passages - dans lesquels on tombe trop rapidement dans l’enchaînement de plans individuellement intéressants mais moins pourvus de cohésion globale. Soit le travers fréquents chez nombre de jeunes groupes, à savoir se limiter à enchaîner les bons riffs pour constituer de bons morceaux. Effort nécessaire, évidemment, mais pas forcément suffisant pour forger une identité propre à chaque titre. Ceci dit, comme on l’aura compris, Nephren-Ka a d'ores et déjà commencé à gommer ce défaut, qui est loin d’être rédhibitoire ni omniprésent sur cet EP déjà très mature.

Que lui manque t-il pour se hisser plus haut ? Il faut bien passer par la case « production », même si pour un disque auto-produit le résultat est déjà satisfaisant, et que cet aspect est quand même indépendant du talent du groupe: malgré des choix plutôt pertinents en terme de mix (la mise très en avant de la basse – qui ne fera pas l'unanimité mais qui a le mérite de mettre en lumière un bassiste doué et pertinent dans son jeu - et à un degré moindre de la batterie, le bon équilibre des grattes et du chant), le tout mériterait évidemment un son plus gras et plus profond pour donner une once d’assise supplémentaire. Au delà de ce manque qui se résoudra facilement, on peut également attendre de Nephren-Ka encore plus de détachement envers ses « mentors ». Comme dit plus haut, le groupe a fait suffisamment d’effort d’écriture et de créativité pour se forger une personnalité propre, mais il gagnera encore à définitivement s’émanciper des références encore trop visibles ça et là (ici un riff en sweeping trop typé Origin, là un solo que l’on croit sorti de chez Hate Eternal). Cela permettrait sans doute d'asseoir une atmosphère encore plus personnelle et plus cohérente à l’échelle du disque.

Enfin, à titre purement personnel, je ne saurais que trop recommander un poil de fluidité dans les enchaînements (qui ferait gagner en efficacité) et parfois un poil de linéarité qui ne ferait pas de mal non plus, bref un peu d’huile dans les rouages d’une mécanique déjà dévastatrice. Car c’est le constat final qui s'impose: pour un premier EP auto-produit, Revenge and Supremacy est d’excellente facture : brutal, rythmé, agressif, techniquement et musicalement maîtrisé par cinq musiciens de très bon niveau, respectueux des fondamentaux du death metal tout en étant très moderne et assez personnel. De quoi laisser entrevoir un potentiel qui n’est d’ailleurs pas resté longtemps inaperçu, puisque le groupe s’est fait signer par Great Dane Records... de quoi lui donner les moyens de franchir encore un cap. Le plus dur commence, car le degré d’exigence augmentera d’autant lorsque le premier full-length verra le jour. Mais Nephren-Ka a déjà l’essentiel, un gros potentiel dans les pattes, la maîtrise instrumentale et la tête sur les épaules pour franchir cette nouvelle étape avec succès, à n'en pas douter.

2010-10-19 00:00:00