PAIN OF SALVATION
ROAD SALT ONE (Album)
2010, InsideOut Music


1. No Way 05:26
2. She Likes to Hide 02:57
3. Sisters 06:15
4. Of Dust 02:32
5. Tell Me You Don't Know 02:42
6. Sleeping Under the Stars 03:37
7. Darkness of Mine 04:15
8. Linoleum 04:55
9. Curiosity 03:33
10. Where It Hurts 04:51
11. Road Salt 03:02
12. Innocence 07:13

Total playing time 51:18


Northernshadow
Aah! Que vois-je? Un chef-d'oeuvre non chroniqué! Honte à vous mais je dois vous remercier car c'est une aubaine et surtout un honneur pour moi de chroniquer ce Road Salt (oui, la chronique d'Ebony va suivre celle-ci). Je vais donc prendre un peu de temps pour vous parler de ce premier volet d'un double album: Road Salt part I, Ivory. Pour ceux qui ne connaissent pas Pain of Salvation, il s'agit d'un groupe suédois de...on les qualifie officiellement de metal progressif mais j'aime autant vous prévenir que ce n'est pas le cas. Ou du moins pas entièrement le cas. Daniel Gildenlöw est la tête pensante du groupe. Il compose les morceaux, écrit les textes, crée les concepts (chaque album du groupe et un « concept album ») et joue d'un peu tous les instruments en compagnie d'un line-up qui a beaucoup changé. Ce génie est visiblement très ouvert et c'est ainsi qu'il aura composé des morceaux touchant un peu à tous les horizons (rap-metal/rock avec « Spitfall » ou encore un côté disco sur « Disco Queen »). Donc, le genre de Pain of Salvation est assez indéfinissable de par son ouverture et le côté touche-à-tout de M. Gildenlöw.

Cependant, avant d'aller plus loin concernant la musique à proprement parler, je vais d'abord décrire l'artwork et le concept (concept important sur lequel il y a beaucoup à dire. Je vais donc beaucoup écrire. Si cela ne vous intéresse pas, vous pouvez passer au paragraphe 10).

L'Artwork est donc assez simple. La tête de chaque membre du groupe (Gildenlöw (Chant, tous les instruments) en bas, Johan Hallgren (guitare, back vocals) au-dessus, Fredrik Hermansson (claviers) à gauche et finalement, Léo Margarit (batterie, back-vocals) à droite) sur un fond blanc comme l'ivoire (Road Salt part I: Ivory).

Tous les textes sont présents avec, à chaque fois, un descriptif (non dénué d'humour) expliquant qui a joué de quoi. De plus, de nombreuses photos du groupe accompagnent le livret avec, à chaque fois, une phrase tirée d'une chanson. Tout cela, bien entendu, fait partie du concept.

Alors quel est donc ce concept si compliqué dont je parle depuis tout à l'heure? En vérité, sa complexité vient de son côté humain qui, certainement, d'une manière ou d'une autre, touchera probablement chacun d'entre vous. Le sujet principalement abordé est donc une certaine philosophie qui concerne plus ou moins tout le monde lors des choix que nous sommes amenés à faire au cours de notre vie. Les différentes voies à emprunter, les différentes routes. C'est ce qu'est Road Salt. La route à travers la vie. Le sel étant cette chose si unique et précieuse qui peut se révéler dangereuse en cas de trop grande consommation. La vie ayant ce côté ni noir ni blanc. La vie est précieuse malgré ces excès. Quelque soit la route que nous choisissons, il y aura toujours ce sel. Pour relever un goût, le rendre plus merveilleux encore; ou pour nous irriter, tel du sel que l'on dépose sur une blessure. Et tel le sel qui aide à la cicatrisation, chaque sel irritant nous rend plus fort. Une expérience de vie en somme. Voilà pour ce qui est du titre.

Tout au long des douze pistes (sans compter celle de la deuxième partie), nous allons suivre un instant de vie de différents personnages. Inspiré par un film intitulé « Magnolia » qui suit le même principe, chaque texte est donc une petite histoire, un de ces instants salés qui nous ouvrent les yeux sur la complexité de la vie. Cette œuvre n'est pas officiellement autobiographique mais, comme le souligne Daniel, souvent, la fiction et la biographie se croisent. Les fictions reflètent malgré tout une manière de penser de l'auteur, résultat de ses expériences. De même qu'une autobiographie est souvent romancée, ce qui lui donne un aspect fictionnel.

Le texte de la chanson « Road Salt » dévoile de manière plus concrète le concept. Un personnage se retrouve sur sa route et se demande si la vie vaut la peine d'être vécue. Se sentant à bout de force, et regardant en arrière. Il a l'impression d'avoir pleuré toutes ses larmes et se sent peut-être trop faible pour continuer à travers tout ce sel. Mais pourtant il n'arrête pas de marcher. Parce qu'il y a une lueur d'espoir, quelque chose qui lui dit que ses choix n'ont pas été vains. Parfois, il arrive que l'on choisisse une route plus longue et peut-être nous demandons-nous si cette route n'est pas TROP longue. Mais, quoi qu'il arrive, on continue d'avancer (enfin...ce n'est pas le cas de tout le monde, j'imagine que vous comprenez ce qui arrive à ceux qui ont pris une route réellement TROP longue...). Ce texte étant donc un élément clef pour la compréhension du concept.

Évidemment, toutes les chansons n'abordent pas des sujets aussi lourds. On pourra noter l'humour et une certaine crudité parfois légère dans, par exemple, « Curiosity » qui cherche à dissocier l'amour de la sexualité de manière très...directe (« Your love is poetry, my love is sodomy... »).

On pourra d'ailleurs, une fois de plus, remarquer le talent d'écriture du génie suédois qui, en des textes assez courts, arrive de manière poétique à transmettre toutes ses réflexions; toujours de manière assez concrète et un minimum accessible.

A présent vient la musique. Comme je l'ai fait remarquer dans l'introduction de la chronique, Pain of Salvation ne s'impose AUCUNE limite. On se retrouve donc avec un rock 79' mêlé à de nombreuses influences de blues. La plupart des chansons suivent un schéma de couplets et de refrains assez standard ce qui a tendance à exclure la dimension progressive sur cet album. D'ailleurs, la dimension metal n'est pas présente non plus mais, ouverts d'esprit comme nous le sommes, cela ne va pas nous empêcher d'apprécier cette œuvre à sa juste valeur.

Malgré la simplicité des structures, les chansons restent très complexes. En effet, chaque instrument est parfaitement audible et très libre de ne pas suivre bêtement la ligne conductrice des guitares (je pense surtout à la basse qui a trop souvent tendance à être noyée dans le mix en suivant la guitare rythmique...). Une mention spéciale pour la batterie qui est simplement impossible à suivre. Les rythmes ne sont jamais constitués des standards du rock ou du metal. Que se soit Léo ou Daniel derrière les fûts, presque chaque coup est une surprise tant les contre-temps sont utilisés, mariés à des descentes de toms inattendues et un jeu de cymbales très complexe. Très agréable à écouter mais difficile à reproduire pour les batteurs non-experts.

Autre point très important à souligner, le chant. On découvre avec Daniel un nouveau type de chant. En effet, on connaissait le chant de poitrine standard utilisé dans le rock, la pop etc... Le chant lyrique utilisant la respiration du ventre et autres joyeusetés techniques que je ne connais pas suffisamment pour vous en faire part; en tant que bon metalhead, tout le monde connait les growls-grunts etc... Qui, eux aussi, utilisent la respiration du ventre ainsi que la gorge pour produire le son (pas de cordes vocales, ça les abîme...) et enfin, le chant en voix de tête nous permettant d'atteindre des notes particulièrement aiguës. Là, nous avons affaire à autre chose...Daniel chante avec ses tripes!!!!! (Pas littéralement, en vérité, il s'agit bien d'un chant standard). Que ce soit dans la douceur tourmentée de « Sisters », la tristesse de « Road Salt », la rage de « Where it hurts », M.Gildenlöw livre à chaque fois une sincérité, une honnêteté et une foi hors du commun qui sont clairement un grand atout du groupe.

Toujours en restant dans le domaine du chant (et de la complexité), on notera les nombreuses prises de back vocals qui, quasiment à chaque fois, recouvrent un grand nombre d'octaves et chaque voix chante sur une variation différente. On pourra citer ici « Of Dust » ou Daniel (qui s'occupe de tous les instruments ET toutes les voix sur cette chanson) atteint des extrêmes dans les basses ou « Innocence » où il plaisante dans le booklet en inscrivant « nous avons essayé de couvrir toutes les octaves détectables par l'oreille humaine. »

Concernant les autres instruments, les guitares ont un son blues-rock très original se montrant parfois doux, parfois violent. Les claviers se font principalement sur un Fender Rhodes qui renforce l'aspect 70' de l'album.

Pas de solo, pas de démonstration (ce qui n'était d'ailleurs pas une marque de fabrique chez Pain of Salvation mais comme ils touchent à tout, je le précise quand même), tout est dans la composition et l’interprétation. La sincérité et l'honnêteté. L'émotion et l'originalité.

Qu'on aime cette direction ou pas, on ne peut que saluer l'imagination et le travail fourni par ces artistes talentueux et, à nouveau (mais c'est important), authentiques. Il s'agit bien d'un chef-d’œuvre artistique bien qu'il n'atteindra probablement jamais un statut publiquement culte.

Un dernier mot sur l'édition limitée qui comprend une intro et une version longue de Road Salt. Il ne s'agit de rien de grand, l'intro ne dure pas une minute et Road Salt se voit ajouter un pont instrumental et un refrain. C'est un petit plus mais l'édition limitée de la deuxième partie me semble plus importante (ce que nous verrons sur la chronique dudit Road Salt II).

En conclusion, cet album est un nouveau coup de maître chargé en émotions. Intelligent et complexe, il mérite vraiment au moins qu'on y jette une oreille réellement attentive. Voilà.

2012-09-27 20:38:24