LOTHRINGEN
CROSSBOWS & ABORTED LOVES (Album)
2010, Auto-Production


1. Do You Feel the Bogeyman?
2. Remember Polaris
3. Medieval Tales
4. Death Always Finds a Way
5. Sail to Your Dream
6. She's a Witch
7. Forgotten Worlds
8. A King Is Always Alone
9. Elvish Farewell
10. My Nemesis


Eternalis : 8/20
L’argent. Tout est régi par la monnaie, le gain et le bénéfice. Celui qui ne dispose pas du précieux sésame n’ira nulle part.

Ce constat est dur, cruel mais terriblement réel du point de vue de la situation actuelle, de l’industrie de disque et de ce que l’on ose encore appeler l’art contemporain. La soif commerciale et la facilité d’accès réduisent petit à petit à néant la création originelle, la rendant superficielle et rémunératrice.
Le monde musical d’aujourd’hui est chaotique, et le manque de moyens personnels se transforme souvent en un véritable cauchemar si l’on veut réaliser un album un tant soi peu convenable. Le cout des studios, de plus en plus élevé, devient un luxe dont bien peu peuvent se pourvoir.

Tout ceci vient immanquablement à l’esprit de l’auditeur découvrant le premier opus autoproduit des français de de Lothringen. La pochette et le livret plongent rapidement le néophyte dans un monde féérique et médiéval dont Rhapsody (Of Fire…) furent les initiateurs, si l’on ne veut pas penser aux plus vieux précurseurs que sont Dio ou Manowar (dans une moindre mesure, plus mythologique).
Mais dès que le disque entame sa dance dans le lecteur, le fossé qui sépare l’élève du maitre se fait gouffre, si ce n’est néant abyssal.

Le chanteur Julien Desprez évolue dans un registre très proche du fantastique Tony Kakko, très mélodique et suave, sans pour autant dégager un dixième de son émotion si intense. Néanmoins, le chorus mélodique entamant le disque, qui se révèlera être le refrain de ce "Do You Feel the Bogeyman ?", se veut très joli et accrocheur, mais le travail de production se révèle prématurément catastrophique. Entre un son de batterie incroyablement creux et sans aucune densité, les sonorités de claviers ultra kitsch et « bas de gamme » (et pour le coup, ce n’est pas uniquement le son mais bel et bien la composition qui pose problème) et surtout des guitares difficilement audibles, synthétiques et sans épaisseur, on se dit que le pari va être difficile.

L’aspect d’amateurisme du groupe handicape considérablement les compositions, dont nous avons réellement du mal à défaire les noms de Sonata Arctica, Stratovarius, Nightwish et toute cette vague speed néo-classique en général.
"Remember Polaris" continu le disque dans une ballade que l’on rapprocherait plus facilement de l’univers onirique et fragile de Kamelot, le romantisme en moins, malgré des arrangements de flutes magnifiques et enchanteur, à peine gâcher par cette caisse claire insupportable mais un solo très mélodique et fluide qui, tout en restant dans les codes, ne s’empêchera pas de dégager une certaine beauté.

Néanmoins, un sentiment de lassitude, venant en partie d’un environnement extérieur bien peu engageant, taraude déjà une part de notre esprit. "Medieval Tales" renoue quelques peu la flamme avec son riff bien plus heavy et speed, plus proche d’Helloween, mais c’est la prestation vocale qui en devient bancale, nasillarde et se demandant probablement elle-même où elle va. Évoquant les débuts d’Andy Deris (avant que sa puissance extraordinaire n’explose à la face du monde) mais le tout sonnant finalement faux, impersonnel et surtout vide.

Il s’agit bien du reproche majeur que l’on pourra faire de ce premier "Crossbows & Aborted Loves". Une vision policée, lisse et tellement passée à la presse hydraulique qu’elle n’en a plus aucune âme ni personnalité propre. Le feeling des musiciens est complètement absent.
Là où le terriblement niais "Sail to Your Dream" (ces parodies de claviers…) pourra faire douter de l’avenir de la formation, les plus mystérieux et originaux "Forgotten Worlds" et "Elvish Farewell" nous feront comprendre que Lothringen a réellement des choses à proposer à l’avenir.

Néanmoins, le travail est encore long et la route semée d’embuches. Il faudra tout d’abord commencer à se vêtir d’une production digne de ce nom qui ne desserve pas littéralement la musique comme c’est le cas ici (et faire apparaitre le bassiste complètement absent du mix) et ensuite tenter de se démarquer au maximum d’influences encore bien trop présentes.
Mais ceci n’est qu’un premier essai, une première tentative pleine de naïveté et d’envie qui en font aussi le charme lorsque les années passent…et quand on observe les premiers opus de certains groupes devenu cultes, Lothringen doit garder à l’esprit que tout est possible à l’avenir et ne surtout pas se décourager, mais utiliser les erreurs actuelles pour revenir plus fort et conquérant. C’est en tout cas tout le mal que l’on peut, objectivement, leur souhaiter.

2010-04-06 00:00:00