dark_omens : 15/20 | Indiscutablement Ratt fut une des victimes les plus notoires de ce bouleversement formidable qui décima nombre de groupes traditionnels à l'orée de ces années 90 fatales. La plupart de ces musiciens les plus illustres avaient pourtant vécu un apogée formidable à la mesure de la décennie précédente où la renommée, la plus facilement atteignable, se cueillait au cœur de stade conquis. Nul besoin même de proposer de révolution musicale et seul le talent prometteur nous offrant un tableau passéiste, se rapprochant de près ou de loin de ceux que d'autres firent auparavant, suffisait à leurs ouvrir les portes d'une gloire facile et lucrative. Bien évidemment, et fort heureusement, les aptitudes talentueuses de certains de ces artistes ne les empêchèrent pas de sortir quelques albums sinon incontournables tout au moins attachants, et ce malgré ces attitudes empruntées. Bien qu'un peu caricaturalement partial, ce constat sur une époque n'est pas totalement dénué d'une once de vérité.
Quoi qu'il en soit, après un Detonator moyennement inspiré mais qui, surtout, ne sut pas véritablement saisir les enjeux avérés d'un bouleversement culturel ambiant profond, Ratt disparus donc, engloutis par le Death, le Grunge, le Thrash, le Painkiller de Judas Priest et les balbutiements de quelques autres genres encore.
Le chemin de la rédemption fut ensuite un long calvaire, dans lequel aucun déboire, même les plus grotesquement procéduriers, ne furent épargnés à Ratt. Mais tout supplice a une fin. Et celui des Américains semble se terminer en 2010 avec la sortie de cet Infestation.
Le contexte actuel est, bien évidemment, plus favorable à ce genre de production. La plupart des nouvelles sensations, groupes pour lesquels un incompréhensible engouement ne cesse de grandir, ne parviennent pas véritablement à offrir une alternative autre que celle d'une expression aux liens de parentés évidents, parfois à la mélodie près, de celle des cadors du genre. Qui, en ce cas, mieux que ceux qui furent, par le passé, les premiers à jouir de cet engouement pourraient en tirer tous les avantages ? En d'autres termes, lorsque l'inspiration est à leurs côtés, qui mieux que Ratt, AC-DC ou Motley Crue peut défendre la musique de cette époque définitivement révolue ?
Et puis il y a la nostalgie cyclique. Ces maudits regrets d'un autrefois pas nécessairement plus inspiré culturellement, mais qui, sans doute, fut le témoin des premiers émois de ceux qui aujourd'hui déplorent la disparition de ces années-là.
Toutefois si les facteurs d'un environnement artistiques semblent éminemment favorables, ils n'augurent pas nécessairement de la réussite d'un album. D'autant plus que Ratt aura déjà prouvé, par le passé, son impuissance créative et son incompréhension des changements du monde qui l'entoure.
Soyons d'emblée honnêtes, si les reformations récentes de certaines anciennes gloires enfantèrent des albums dont les qualités laissèrent entrevoir le pire à un genre essoufflé, c'est non sans une certaine appréhension, pour des raisons évoquées plus haut, que votre humble serviteur accueillit l'écho de cette nouvelle offrande de Ratt.
Coupables de ces aprioris négatifs, c'est d'autant plus volontiers que je viens faire mon mea culpa ici. Dès les premières notes d'un remarquable Eat me up Alive, dont certains passages, notamment le riff introductif, sont incroyablement agressifs pour le genre, les doutes s'envolent laissant place à un indescriptible plaisir. Ce premier titre efficace, démontre aussi tous le talent mélodique de ce groupe. Un sens de la mélodie qui, autrefois, fut parfois dénaturé par les aspirations commerciales de certains producteurs intéressés. En équilibre instable entre une musicalité employée à bon escient et une autre plus festive et parfois même mièvre, certains, en effet, firent basculer le groupe vers l'abîme insipide. D'ailleurs un titre tel que Best of Me et ses couplets embarrassant, manque, de peu, la chute.
Ce faux-pas, négligeable, est, bien heureusement, isolé. Tant et si bien que fort de ce Hard Rock débridé et mélodique, Stephen Pearcy, de sa voix aiguë si particulière, et ses camarades nous offrent, tout simplement, une leçon musicale dans laquelle le meilleur d'une décennie achevé s'exprime avec une excellence délicieuse (les remarquables Looks at Below, Last Call, Garden off Eden ou encore, par exemple, Take à Bit Bite).
Avec ce superbe Infestation, à la croisée de Motley Crue, de Cinderella et de Skid Row, les californiens font donc revivre l'esprit à la fois Glam, Hard Rock et Rock'n'Roll de ces années 80, tout en lui insufflant un aspect moderne. Nul doute que cette œuvre ne donnera pas naissance à la genèse d'une formidable révolution, cependant elle saura, assurément, au côté de celles de Steel Panther et de Sister Sin, redonner de l'intérêt à un genre tout entier.
2013-09-12 18:33:51
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