ENTOMBED
LEFT HAND PATH (Album)
1990, Earache Records / Combat Records (USA)




Fabien : 19/20
L‘histoire débute durant la seconde partie des années 80’s dans la banlieue de Stockholm, autour de quelques formations comme Nihilist, Treblinka (rapidement rebaptisé Tiamat), Therion ou Carnage, de jeunes protagonistes influencés par l’urgence du crust/HC d’Asocial ou d’Anti-Cimex, la violence débridée de Repulsion, le grindcore indomptable de Napalm Death ou les ambiances d’outre-tombe de Death et Morbid Angel. Poussant la pédale Boss à fond sur l’idée de Leif Cuzner, ayant toutefois rapidement quitté le groupe faute à son déménagement, Nihilist se construit un son tronçonnant bien à lui. A grands renforts de demo-tapes, pour citer la redoutable Only Shreds Remains de décembre 1988, le jeune quintet bénéficie par ailleurs toujours d’une longueur d’avance sur son entourage, grâce à la qualité de composition de son leader Nicke Andersson, et à une interprétation d’ensemble tout aussi remarquable.

Profitant de la venue de Napalm Death à Stockholm en 1989, Nihilist parvient à décrocher la première partie du concert et à se faire remarquer plus précisément par Dig Pearson (boss d’Earache) présent dans l’assistance, désormais bien décidé à ajouter la bande à son catalogue aux côtés de Napalm Death, Carcass, Morbid Angel et Bolt Thrower, au grand dam de Nuclearblast ayant lui aussi courtisé le jeune prodige suédois. Sur ces entre-faits, Nicke Andersson se débarrasse de son bassiste Johnny Hedlund, de quatre ans son aîné (s’en allant fonder Unleashed), en annonçant par lâcheté la séparation du groupe Nihilist, afin de mieux rebondir avec les mêmes interprètes, le growler LG Petrov et la paire de guitaristes Alex Hellid & Uffe Cederlung, sous le nouveau nom d’Entombed.

Ayant recruté au passage David Blomqvist à la quatre cordes, le quintet se dirige en studio pour l'ultime démo But Life Goes on avant l’enregistrement de son premier album, programmé en décembre 1989 aux Sunlight Studios sous la houlette de Tomas Skogsberg, lieux et ingénieur du son que la bande connaît bien depuis les sessions d’Only Shreds Remains, et ayant par ailleurs déjà accueilli Tiamat trois mois auparavant à l’occasion des sessions de Sumerian Cry. Plus à l’aise à la guitare et ayant l’envie de rejouer rapidement avec son ami d’enfance Fred Estby, David Blomqvist quitte toutefois Entombed pour rejoindre Carnage juste avant l’enregistrement de l’album, plus par souci d’honnêteté, sans laisser par ailleurs ses acolytes dans la panade puisque Nicke et Uffe assureront haut la main les parties de basse durant les sessions.

Débarquant dans les bacs en juin 1990 avec sa magnifique illustration de DanSeagrave et son sceau Earache, Left Hand Path emballe dès lors le rythme cardiaque du jeune deathster, pour lequel l’achat devient une question de vie ou de mort. Dès l'enfournement du disque dans la platine, c'est la révélation, l’auditeur est soufflé par ce deathmetal sombre, mais pas à la sauce death US made in Tampa d'Obituary, Death et Morbid Angel. L’ambiance générale y est terriblement glaciale, grâce au son particulier des guitares de Cederlung et Hellid accordées en si, renforcé par le chant guttural de LG Petrov surgissant d’outre-tombe.

Sombre et glacial, Left Hand Path renferme des titres possédant chacun leur singularité, depuis les breaks assassins de Life Has Ceased et Life Goes On jusqu'aux riffs incisifs de Drowned et Morbid Devourment, en passant par les rythmes entrainants de l’incontournable Bitter Loss ou encore par les claviers et les guitares lancinantes du redoutable morceau éponyme, à l'outro lugubre inspirée du célèbre film 'Phantasm'. L’étonnante rapidité de Left Hand Path ne tourne par ailleurs jamais en bouillie, grâce au jeu de batterie de Nicke Andersson, à la fois fluide et si entraînant, mais aussi grâce à la production de Tomas Skogsberg, dotant le tout d’une épaisseur et une clarté remarquables, et érigeant ce son si tronçonnant en véritable standard.

Non seulement Entombed peut se vanter d’être à l’origine d’une des scènes les plus prolifiques de nos jours, mais il est aussi le géniteur de ce son froid & granuleux si particulier. Sans occulter le thrashdeath de The Awakening (Merciless), le grindcore de Mean (Filthy Christians) et le darkdeath de Sumerian Cry (Tiamat) parus quelques mois auparavant, Left Hand Path représente en effet la première réalisation deathmetal scandinave bénéficiant d’une couverture mondiale, mais aussi la meilleure à ce jour. Indétrônable, atemporel.

Fabien.

2007-04-04 00:00:00


dark_omens : 17/20
Nombreux sont ceux qui, légitimement, s’accordent à dire que la genèse du mouvement Death Metal trouve son point d’origine au début des années 80 au sein de la scène américaine. Mais si le mouvement, duquel émergea les Obituary, Death et autres Possessed, fut le théâtre d’un incroyable changement de mentalité, désormais, dévoué à une agressivité plus prégnante encore, il s’handicapa aussi d’emblée d’une exhortation musical basé, principalement et quasi uniquement, sur cette même agressivité. La palette des émotions ainsi choisies, bien plus étriqué que celle, par exemple, de son cousin Black Metal, ne lui permettrait donc pas, sans évolution salutaire, de continuer à s’exprimer sans mal. Cette évidence, qu’énoncèrent bientôt ouvertement les principaux acteurs de cette mouvance, allait, bien heureusement, offrir la perspective à de nouveaux groupes d’explorer de nouveaux territoires vierges. Ainsi, de sa Suède natale, Entombed, groupe formé en 1987 sous le nom de Nihilist, va éclaircir l’horizon obscurci par cette surabondance de groupe similaire, en donnant un souffle nouveau au mouvement tout entier, et ce dès son premier méfait, Left Hand Path, sortis en 1990, chez Earache Records, qui le démarque d’emblée de son cousin américains.

Pour concrétiser cette différence essentielle, les Suédois vont commencer par donner une sonorité très particulière à leur musique en traitant les guitares de manières très singulière et ce en les accordant différemment. Ainsi l’ambiance lugubre qui s’en dégage s’inscrit immédiatement dans une nouveauté séduisante. Cette atmosphère inquiétante délicieuse est d’autant plus renforcée par les chants gutturaux sépulcraux d’un LG Petrov remarquable. Mais ces qualités aussi respectables et séduisantes soient-elles, ne sont pas de natures suffisantes à expliquer l’engouement que suscita cette œuvre que chaque adepte de Death Metal voulut légitimement posséder. Il règne au cœur des lieux putrides de ce Left Hand Path un groove entraînant singulier. En effet là où d'autres auront privilégié les déferlements de dévastation écrasante, Entombed aura, quant à lui, préféré ceux plus musicalement entraînants dont l’esprit nous rappelle, souvent, ceux du Punk, voire du Rock (When Life Has Ceased, l’excellent Bitter Loss, Carnal Leftlovers ou, par exemple, Premature Autopsy). Mais si le groupe excelle dans une sorte de Death’n’Roll’n’Punk terriblement efficace, il n’est pas vraiment maladroit dans l’exécution de titre, ou de passages, lancinant dans lesquelles sa froide noirceur sonore s’exprime, évidemment, pleinement. Ainsi peut-on entendre ces superbes complaintes délicieusement accablantes sur des titres tels que l’exceptionnel Left Hand Path, ou encore, par exemple, tels que Morbid Devourment.

Bien évidemment aujourd’hui l’album n’a plus que valeur symbolique en comparaison de tous ceux, qui s’inspirant sans scrupules de ses atmosphères et des ses idées, en ont reproduit, et parfois améliorés, le concept. Ce déferlement scandinave à l’identité culturellement marqué par ses terres natales étant, à ce jour encore, très productif. Il reste cependant, à ce Left Hand Path, tous le charme de ces première fois, et quand bien même celui-ci laisserait indifférent, l’œuvre, au-delà de sa valeur historique évidente d’instigatrice de toutes une scène, demeure un excellent album.

2014-09-26 11:23:19